Dans le contexte épidémiologique actuel, la nécessaire réforme du système de santé français est plus que jamais à l’ordre du jour. Héritage de la Seconde Guerre Mondiale, il ne convient désormais plus aux besoins des patients, et par extension à ceux des professionnels de santé. Une population plus âgée qui nécessite des soins particuliers, l’augmentation des maladies chroniques, des médecins de ville qui partent à la retraire, les déserts médicaux : des enjeux graves dont il faut se saisir pour continuer à prendre soin de tout un chacun. Cependant, transformer le système de santé ne sera pas possible sans redéfinir la manière dont sont formés les futurs soignants. Le point sur la réforme des études de santé à venir.
Une nouvelle réforme suite au plan santé 2022
Adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat, la loi n°2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé définit le projet porté par le ministère des Solidarités et de la Santé. Cette loi vient appuyer la volonté présidentielle. En effet, le 18 septembre 2018, Emmanuel Macron expose le projet Ma santé 2022, qui propose une solution globale aux défis auquel est confronté le système de santé français. L’arrêté du 4 novembre 2019, suivis des décrets 11-25 et 11-26 sont venus préciser les nouveaux parcours d’étude proposés aux futurs professionnels de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique.
Qu’est-ce que le plan santé 2022 ?
Poser les fondations d’un système de santé d’excellence, juste et performant. Voilà l’ambition du Plan Santé 2022. Porté par Agnès Buzyn alors ministre des Solidarités et de la Santé et Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ce plan se veut être un engagement collectif, une action forte du gouvernement pour la santé de tous.
Pourquoi un plan santé pour 2022 ? Parce que le système actuel est à bout de souffle. En 2018, on comptait 223 571 médecins, dont 105 872 médecins libéraux et plus de 1000 maisons de santé. Autres chiffres : 3 089 établissements hospitaliers, comptant 408 425 lits ont reçu 12.4 millions de patients qui ont été hospitalisés une ou plusieurs fois. 20.3 millions de Français sont passés aux urgences.
(source : Les chiffres clés de l’offre de soins de la Direction générale de l’offre de soins, édition 2018)
Devant de tels chiffres, le Plan Santé 2022 a l’ambition de :
- Répondre aux attentes des patients ayant des problèmes d’accès aux soins (déserts médicaux, manque d’accès à l’information, vieillissement de la population et explosion des maladies chroniques)
- Améliorer les conditions de travail du professionnel de santé (diminuer les charges administratives, lui donner plus de temps pour soigner, lui offrir des évolutions de carrière, éviter l’isolement des médecins de ville, décloisonner l’hôpital, le sanitaire et public/privé)
- Gérer la difficile question financière (garantir l’accès aux innovations thérapeutiques plus coûteuses, supporter l’augmentation des dépenses de la sécurité sociale dues aux maladies chroniques, réduire les actes inutiles et les parcours de soins inadaptés aux patients)
Comment ?
- En replaçant le patient au cœur d’un parcours de soin adapté et facilité.
- En proposant un espace numérique de santé pour chaque Français : individuel, sécurisé et personnalisable, il permettra une meilleure prise en charge des pathologies simples, comme complexes. Comptes-rendus d’hospitalisation, résultats de laboratoire, prise de rendez-vous facilité : le patient est acteur de sa santé.
- En organisant des soins de proximité, et en faisant travailler de concert médecine de ville, hôpital et services médico-sociaux. Le focus sera mis sur la création des CPTS : Communautés professionnelles territoriales de santé, des structures dédiées à la coordination des professionnels de santé.
Mais pour que cette ambitieuse transformation s’opère, le Plan Santé 2022 doit également prendre en compte la formation des futurs professionnels de santé. Sans eux, point d’avenir pour le système de soins. Dans l’objectif de garantir une formation qualitative des futurs médecins, dentistes, pharmaciens et autres soignants, l’accès aux études est largement repensé. Dans l’objectif de faciliter les passerelles entre les cursus, d’accueillir des jeunes hommes et des jeunes femmes aux profils variés et de leur permettre d’évoluer dans leur carrière, les conditions d’accès aux études seront revisitées, notamment le numerus clausus et sa sélection violente et inefficace qui sera supprimé dès la rentrée universitaire 2020/2021.
Mais ce n’est pas la première fois que l’accès aux études de santé est modifié. Voyons l’évolution des différentes réformes depuis 1968.
Les différentes réformes des études de santé dans le passé
Après mai 68, la loi Faure permet à tous les bacheliers d’intégrer l’université de leur choix. Parallèlement, le nombre d’inscrits en faculté de médecine explose. Pour pallier aux problèmes d’organisation en résultant, les ministres de l’Education et de la Santé de l’époque limitent le nombre d’étudiants autorisés à s’inscrire en deuxième année. Ce fut l’esquisse du numerus clausus.
Mai 1980 : un décret de la loi de 1979 instaure la mise en place du numerus clausus tel que nous le connaissons aujourd’hui.
7 juillet 2009 : création de la PACES : Première Année Commune aux Études de Santé. Elle permet la sélection des futurs professionnels de santé en médecine, pharmacie, chirurgie dentaire et maïeutique. Entrée en vigueur à la rentrée universitaire 2010/2011
2014 : tests par plusieurs universités d’alternatives à la PACES : AlterPACES et PluriPASS.
2018 : PACES One qui interdit le redoublement en première année de médecine est testé dans quatre université parisiennes.
Rentrée universitaire 2020 : suppression de la PACES et du numerus clausus. Instauration du PASS : Parcours Accès Santé Spécifique et des LAS : Licence Accès Santé dans l’objectif de pallier au taux d’échecs et réorientations importants caractérisant cette filière.
Pourquoi une nouvelle réforme ? Selon les Facultés de médecine, le taux de réussite aux quatre concours de fin de première année – soit le concours de médecine, le concours de chirurgie dentaire (odontologie), le concours de sage-femme (maïeutique) et le concours de pharmacie – se situe entre 10 et 30%. De plus, entre 70 et 90% des lycéens voulant accéder aux études de médecine se retrouvent sans réelle possibilité de réorientation en cas d’échec. Il était donc temps de s’attaquer à ce problème.
Quels changements pour les étudiants en santé ?
Jusqu’à présent, le parcours d’un bachelier souhaitant suivre des études dans le domaine de la santé était le suivant : tout d’abord l’inscription en PACES soit avec un baccalauréat ou un diplôme équivalent. Après avoir suivi deux semestres de cours en sciences fondamentales, médicales et sociales, et réussi les concours s’y rapportant, les étudiants de première année sont admis en deuxième année. En 2018 : 13 500 étudiants ont été acceptés en 2e année de médecine sur 60 000 candidats, soit 22,5%. C’est à ce moment que rentre en jeu le numerus clausus. En effet, il appartenait au Ministère des solidarités et de la Santé de déterminer le nombre d’étudiants admis en 2ème année pour chaque domaine.
On parle de numerus apertus et non plus de numerus clausus
Ce qui change avec cette nouvelle réforme, c’est que l’on ne parle plus de numerus clausus, mais de numerus apertus. Concrètement, il appartiendra désormais à chaque Université, en accord avec L’Agence Régionale de Santé (ARS) de déterminer le nombre de places en 2ème année qu’elle ouvrira. Mais ce n’est pas le seul changement de la réforme de la PACES, car elle ouvre également de nouvelles perspectives aux étudiants détenteurs des concours de première année qui n’ont pu poursuivre leurs études faute de places. L’objectif fondamental de cette réforme est de s’adapter aux besoins des régions, de mener une politique de santé plus localisée, plus proche des besoins des patients.
Pour exemple, en 2019, étaient autorisés à s’inscrire en 2ème année après réussite au concours de fin de PACES : 9 314 étudiants en médecine, 1 320 étudiants en odontologie, 1 033 en maïeutique et 3 621 en pharmacie.
A partir de la rentrée 2020, les études de santé changent de nom pour devenir « les études MMOPK » : Médecine, Maïeutique, Odontologie, Pharmacie et Kinésithérapie. Comment y avoir accès ? Deux grands choix s’offrent aux étudiants : le PASS ou la LAS.
Le PASS remplace le PACES
Le Parcours Spécifique Santé ou PASS Santé devient la voie principale pour accéder aux filières MMPOK, remplaçant intégralement la PACES. L’inscription se fait via Parcoursup dans les Universités françaises disposant d’une Faculté de Santé, après obtention du baccalauréat ou d’un diplôme équivalent.
Durant cette année de Licence à majeure santé, il étudiera les sciences fondamentales telles que les Mathématiques, la Biologie ou la Chimie. Il lui sera également demandé de choisir une mineure dans une discipline qui correspond à ses autres projets éventuels : langues, français, psychologie, qui lui permettra de se réorienter en cas d’échec. Ainsi, l’étudiant n’aura pas « perdu » son année.
Pour valider cette première année, les étudiants doivent obtenir 60 crédits ECTS en une année. Le redoublement n’est plus accepté. Ce sera à chaque doyen d’Université de décider quelle moyenne les étudiants devront obtenir pour valider leur année. De plus, le système de notation par QCM est abrogé. Si toutes ces conditions sont réalisées, l’étudiant aura le droit de présenter les épreuves écrites et orales pour accéder à la deuxième année. En cas de succès, l’étudiant pourra entamer les études MMOPK. Cependant, en cas d’échec aux examens, l’étudiant pourra choisir de se réorienter via Parcoursup. Ou bien d’intégrer une L.AS
Les Licences Accès Santé pourront accéder à la deuxième année de médecine
Une deuxième voie d’accès aux études de santé est désormais possible grâce à la réforme. Le lycéen choisit ainsi la Licence qui correspond le plus à son projet professionnel : droit, lettres, ou encore communication. Cette Licence doit également proposer une option « Accès Santé » dans la filière qui l’intéresse : médecine, odontologie, pharmacie ou maïeutique. Ainsi, les étudiants des Universités n’ayant pas de Faculté de Santé peuvent être accueillis en L.AS
S’il valide sa 1ère année, le lycéen a la possibilité de candidater dans la filière de santé qui l’intéresse. Pour cela, il devra avoir obtenu 60 crédits ECTS en une année. Il devra également avoir validé les UE de sa mineure santé. Un examen du dossier scolaire sera également fait. Attention : s’il ne valide pas son année de Licence, l’intégration aux filières MMOPK lui sera refusé.
En s’inscrivant en L.AS, l’étudiant intègre une filière classique : chimie, physique, lettres, communication et suit une mineure Santé. En cas de validation, il intégrera directement la L2 Santé. Cependant, en cas d’échec, il pourra de nouveau candidater en fin de L2 ou L3, si et seulement si son année de Licence est validée.
La L.AS est aussi une passerelle pour les étudiants de PASS qui n’auraient pas pu accéder en deuxième année de médecine. On voit ainsi la volonté de cette réforme d’élargir les possibilités d’accès aux études de santé.
Quel parcours choisir : intégrer le PASS ou une L.AS ? Pour un étudiant farouchement décidé à devenir médecin, mieux vaut choisir le PASS. Le nombre de places réservées en L2 Santé est supérieur à celui des L.AS (50% de places pour les PASS, contre 15% pour les LAS). Cependant, pour le lycéen au projet professionnel encore incertain, mieux vaut se diriger vers une L.AS. A la clé, une double casquette toujours appréciée sur le marché du travail. Cette option permettra in fine de former des médecins doués en communication, ou encore des biologistes avec une spécialité digitale.
Les Formations en Soins Infirmiers permettent maintenant d’accéder à la deuxième année de médecine
Depuis la rentrée 2019, les étudiants des IFSI : Instituts de Formation en Soins Infirmiers sont considérés comme des étudiants de la filière santé à part entière, et ont accès à l’ensemble des services universitaires. Afin d’obtenir le diplôme d’État infirmier, ils doivent valider trois années d’étude. Ainsi, le diplôme d’État a valeur de Licence. De plus, le concours d’entrée est également supprimé, remplacé par des vœux sur Parcoursup et une admission sur dossier. On voit ici une volonté d’alignement sur les recrutements des futurs professionnels de santé, toutes spécialités confondues.
Ainsi, avec cette réforme de l’accès aux études de santé, une troisième voie d’accès est mise en place via ces Instituts. Concrètement, les étudiants auront la possibilité d’intégrer l’une des filières MMOPK, à l’issue de chaque année d’étude en soins infirmiers. Cependant, le nombre de candidatures étant limité à deux, il serait judicieux de tenter sa chance à l’issue de la deuxième voir de la troisième année, afin de mettre toutes les chances de son côté.
Comment se préparer pour des études de médecine ?
Cette réforme a été pensée notamment pour permettre à de nouveaux profils de devenir les soignants de demain. Cela ne signifie pas que les concours seront moins complexes ou nécessiteront moins de travail et d’engagement de la part des étudiants. Une Prépa Médecine est et restera toujours un entraînement précieux. Si le numerus clausus disparait, tous les étudiants ayant validé leurs examens ne seront pas acceptés en L2 Santé. Le numerus apertus diffèrera selon les Universités. Il faut également garder en tête qu’un niveau d’exigence élevé est et sera toujours attendu des étudiants et étudiantes en santé, pour éviter le recalage, pour être guidés, pour se rendre contre du niveau attendu par les enseignants, mais aussi pour s’autoévaluer et se positionner vis-à-vis des autres étudiants… Pour toutes ces raisons, une Prépa Médecine est à envisager sérieusement. Elle permettra aux élèves d’apprendre à travailler efficacement, d’être encadré et accompagné tout au long de ce processus, de poser des questions et de bénéficier des conseils de professionnels. Pour certains, de retrouver un rythme de travail perdu, mais surtout de faire des examens blancs pour connaitre son niveau et adapter son volume de travail en conséquence.
Faire des études de santé requiert concentration, motivation, persévérance et confiance en soi. Avec cette nouvelle réforme, non seulement il faudra acquérir un savoir exhaustif en sciences fondamentales, mais il faudra aussi prendre un compte le nouveau volume de connaissances demandé pour la mineure, très importante en cas d’échec. Les étudiants ne devront en aucun cas faire l’impasse sur celle-ci. Elle leur permettra, certes, une réorientation, mais surtout, dans un monde qui évolue chaque jour plus vite, il sera plus que nécessaire d’être un soignant ouvert aux autres, au fait des évolutions techniques et technologiques. Bref, un soignant sachant communiquer avec ses patients avec aisance, empathie et professionnalisme.
Suivre une Prépa Médecine, c’est mettre toutes les chances de son côté pour accéder aux exigeantes filières MMOPK. Les modalités d’évaluation sont transformées avec cette réforme d’accès aux études 2020. La mise en place de nouvelles voies d’accès par L.AS et par les IFSI diminuent d’autant le nombre de places accessibles par la classique première année de médecine. Mais surtout, le niveau d’exigence en Médecine n’a aucune comparaison avec celui demandé au Baccalauréat. Alors, une solide préparation à la première année de médecine et à la mineure santé des L.AS est plus que nécessaire, afin de pouvoir devenir les soignants de demain. Motivation, sérieux, implication, et application sont les qualités attendues de la part des étudiants en parcours de santé.