Alors que la Suède s’apprête à éradiquer le tabagisme, la France persiste dans une politique qui mise tout sur la répression. Pourtant, d’autres voies existent en Europe pour lutter contre le tabac.
Avec 31,3% adultes qui fument quotidiennement, la France reste l’un des pays les plus touchés d’Europe occidentale par le tabagisme. Ce constat, alarmant en soi, l’est d’autant plus quand on le compare aux résultats de pays voisins comme la Suède, la Finlande ou encore la Suisse. Ces derniers ont adopté une approche fondée sur la réduction des risques – et ça marche. Alors pourquoi la France s’obstine-t-elle à ne pas suivre cet exemple ?
Une stratégie française centrée sur la répression
Le Programme national de lutte contre le tabac 2023-2027 fixe un objectif ambitieux : une « génération sans tabac » à l’horizon 2032. Pour y parvenir, le gouvernement a misé sur une batterie de mesures classiques : interdictions étendues de fumer dans les espaces publics, hausse continue des prix, campagnes de prévention… Mais le cœur de la stratégie reste inchangé : dissuader par la contrainte.
S’il est indéniable que certaines de ces mesures ont un effet (notamment la fiscalité) leur impact plafonne. Pire, cette approche purement prohibitionniste se heurte à une réalité : la dépendance à la nicotine ne disparaît pas par décret. Et pendant que la France peine à évoluer, d’autres pays expérimentent avec succès des politiques plus souples, mais plus efficaces.
La Suède, pionnière de la réduction des risques
Avec un taux de tabagisme frôlant les 5%, la Suède est en passe de devenir le premier pays d’Europe avec le statut « sans fumée ». Ce résultat impressionnant repose sur une stratégie novatrice : plutôt que de se concentrer uniquement sur l’interdiction, les autorités ont soutenu la transition vers des produits alternatifs, notamment le snus, un produit de nicotine sans combustion.
Longtemps décrié, le snus a été intégré dans une politique de santé publique pragmatique, encadrée et axée sur la diminution des risques. Résultat : les maladies liées au tabac y sont bien moins fréquentes que dans le reste de l’Union européenne, et les fumeurs ont massivement changé leurs habitudes.
La Finlande, une transition en douceur
La Finlande, de son côté, affiche un taux de tabagisme avoisinant les 14% en 2023, en baisse constante depuis plus d’une décennie. Là aussi, les pouvoirs publics ont opté pour une approche progressive. S’ils ont maintenu des restrictions classiques (interdiction dans les lieux publics, taxation…), ils ont surtout fait preuve d’ouverture en matière de produits alternatifs.
Les pouches ces petits sachets oraux contenant nicotine, arômes et fibres végétales, sont ainsi tolérés et encadrés. Loin de banaliser l’usage de la nicotine, la Finlande a compris que ces produits peuvent jouer un rôle de transition pour les fumeurs les plus dépendants. Et ça fonctionne.
La Suisse, entre régulation et pragmatisme
En Suisse, environ 22% des adultes fument. Le chiffre reste élevé, mais tend à baisser, notamment grâce à une politique plus flexible. Les autorités n’ont pas interdit les pouches, ni les alternatives sans fumée. À la place, elles les régulent et les intègrent dans une politique de réduction des risques. Des campagnes de sensibilisation viennent compléter le dispositif, avec une cible claire : faire reculer les formes de tabac les plus dangereuses, sans diaboliser tous les produits nicotiniques.
La France à contre-courant de l’Europe du Nord
Face à ces modèles inspirants, la France semble camper sur ses positions. Malgré les données qui démontrent l’efficacité des politiques de réduction des risques, les autorités françaises continuent de voir les produits de nicotine sans combustion avec méfiance, voire hostilité. Les pouches sont déjà dans le collimateur de l’exécutif, qui envisage de les interdire alors même qu’ils n’ont jamais contenu de tabac et qu’ils sont déjà encadrés dans d’autres pays.
Cette frilosité peut s’expliquer par des raisons politiques, comme l’image d’un gouvernement « ferme » sur la santé, mais aussi culturelles. La France conserve une vision très moraliste de la lutte contre le tabac, où tout produit contenant de la nicotine est vu comme un mal à éliminer, et non comme un outil de transition pour les fumeurs.
Manque de courage politique ou erreur stratégique ?
En s’entêtant à diaboliser tous les produits nicotinés au nom d’un objectif louable, la France risque surtout de manquer sa cible. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’interdiction seule ne suffit pas. Et si la France veut réellement atteindre son objectif d’une génération sans tabac, il lui faudra sans doute sortir du tout-répressif et s’inspirer des pays qui ont osé innover.
Adopter une approche plus nuancée, fondée sur les données et non sur l’idéologie, pourrait ouvrir de nouvelles perspectives. Les politiques de santé publique ne sont pas figées. Au contraire, elles évoluent avec les connaissances, les usages et les réalités sociales. À l’heure où l’Europe du Nord prouve qu’un avenir sans cigarette est possible, la France a tout à gagner à revoir sa copie.