Entretien avec Catherine de la Presle qui présente une nouvelle méthode contre le syndrome d’asperger

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Entretien avec Catherine de la Presle qui présente une nouvelle méthode contre le syndrome d’asperger

Depuis 2006, Catherine de la Presle propose d’accompagner les enfants atteints d’autisme avec son association « Autisme Espoir Vers l’École » (AEVE). Elle a mis au point une méthode (la méthode des 3i) afin de faire rattraper le retard de développement que provoque ce handicap. Sa méthode est détaillée dans son livre intitulé « La méthode des 3i pour les enfants à troubles du spectre autistique » paru en septembre 2021 aux éditions L’Harmattan. L’autrice a accepté de répondre à quelques questions.

Qu’est-ce que l’autisme ?

Avant toute chose, il serait intéressant de rappeler ce qu’est l’autisme, car beaucoup de personnes ne connaissent pas ce handicap, ou croient le connaître, à tort. Pouvez-vous nous en parler en quelques mots ?

L’autisme, terme utilisé par Kanner2en 1943 pour définir cliniquement l’autisme infantile précoce, vient du mot grec « αυτος » soi-même, donc repli sur soi, langage pour soi, enfermé en soi comme dans une bulle. 

Considéré comme un trouble neuro développemental d’origine multifactorielle, estimé par les professionnels et spécialistes à priori non guérissable, l’autisme est classé dans les handicaps, non dans les maladies. Trouble neurologique (dysfonctionnement neuronal), il affecte les relations sociales, la communication associée à des comportements atypiques et le développement d’intérêts restreints, trois symptômes dénommés la triade autistique. 

On parle de trouble du spectre autistique (TSA)3 car le nombre et le type de symptômes varient d’une personne à l’autre. Certains enfants TSA parlent mais ont des difficultés de communication et de comportement avec des singularités sensorielles. Les troubles sensoriels sont manifestes mais peu encore pris en compte : en 2013, la cinquième édition du DSM-54, mentionne pour la première fois, les particularités sensorielles ou perceptives.

L’autisme est encore traité depuis 2012 pour ses 3 symptômes de façon comportementale par l’apprentissage sans chercher à traiter l’origine qui est développementale ( blocage du développement à la naissance pour des raisons génétiques et rarement psychologiques ) comme propose de le faire la méthode des 3i , en redonnant une chance de développement à ces enfants en les remettant dans le berceau d’une salle de jeu qui leur permet par le face à face permanent , comme pour les bébés dès qu’ils sont éveillés, de reprendre leur développement.  

Quelles ont été les raisons qui vous ont poussée à écrire ce livre ? Il y a une histoire familiale derrière tout ça.

La méthode des 3i est le fruit d’une expérience réussie avec mon petit-fils, diagnostiqué autiste à trois ans, très enfermé dans son monde, sans regard ni intérêt pour l’autre. 

Aujourd’hui, à dix-huit ans, il mène une vie normale et suit un cursus d’étudiant « Grandes Ecoles » pour devenir ingénieur dans l’aéronautique après avoir conduit son premier avion à quinze ans et avoir été un brillant élève dans toutes les matières, depuis le CP jusqu’au Baccalauréat sans aucune aide, ‘’incognito’’ et menant une vie normale. 

Refusant de croire à l’origine psychologique de l’autisme (puisqu’il y a 3 garçons pour une fille autiste) , lié au déficit d’affection des parents  que le monde médical  français était le seul au monde à défendre jusqu’en 2012 et  depuis Bettelheim en 1950, je suis partie d’une approche américaine par le jeu que préconisait le Pr Lelord de Tours , premier psychiatre français dans les années  1970 à avoir compris l’origine développementale de l’autisme.   

Vu les résultats obtenus pour mon petit-fils, que nous avons vu repasser par les stades de développement du petit enfant, encouragée par le Pr Lelord , j’ai compris l’origine développementale ( l’enfant autiste est un bébé cérébralement dans un corps qui grandit bien) et ai diffusé cette approche  novatrice, sans adhérer aux autres méthodes arrivées en France en même temps que les 3i préconisant de reprendre le développement  par l’apprentissage répétitif ( ABA ) et en les immergeant au milieu des autres pour les socialiser ( école…)

Les 3i font référence à une approche qui se veut Individuelle, Intensive et Interactive. En quoi consiste-t-elle exactement ?

La méthode des 3i est une thérapie par le jeu qui vise à reprendre dans une salle de jeu, son développement que tous considèrent comme bloqué, non par l’apprentissage mais en le remettant dans les conditions d’un tout petit qui s’éveille dans un cocon sensoriel d’une salle de jeu et en cherchant l’échange par le jeu sans visée éducative comme on le fait avec tout enfant de moins de 18 mois . 

Jeu interactif 

L’interaction est l’objectif de tout jeu ou de toute activité du quotidien : elle suppose d’entrer en contact avec l’enfant d’abord par le regard. Par le contact, l’échange, condition du développement, s’établit. 

Jeu individuel 

L’individuel, seul à seul en face à face, comme le tout petit dès qu’il est réveillé en face à face avec sa maman. Tel un bébé, il a besoin d’une présence permanente affectueuse, sans attentes ou exigences éducatives qui le rejoint dans ses plaisirs. Le cocon sensoriel de la salle de jeu le met à l’abri des stimuli sensoriels de l’environnement 

Jeu intensif 

Jeu permanent comme avec un bébé ce qui impose de le faire de longues heures car  l’enfant autiste est éveillé plus de 10 h par jour de son lever à son coucher sans forcing. Cette permanence en face à face n’empêche pas de respecter son rythme (repos, et détente extérieure). Ce temps plein avec l’enfant implique des intervenants pour relayer les parents. L’enfant TSA dont la grande angoisse est de se retrouver seul face à lui-même, s’apaise et, prêt à l’échange, peut se développer. 

Une méthode reconnue par la HAS ? 

C’est une méthode qui non seulement s’avère peu onéreuse, mais en plus qui peut être mise en place dans la maison même de l’enfant autiste, et qui se révèle efficace. Comment se fait-il qu’elle ne soit pas reconnue par la Haute Autorité de Santé ?

Les 3i leur proposent une nouvelle chance de reprise du développement en recréant les conditions humaines et environnementales de celle-ci, le plus souvent à domicile, ou dans des centres comme en Pologne, au Cameroun ou dans le petit centre expérimental 3i de Courbevoie avec plusieurs salles de jeu qu’on pourrait installer à la crèche ou l’école.

L’organisation des 3i reproduit ce dont a besoin un enfant entre zéro et 3 ans pour s’éveiller (de 0 à 3ans), avec ses 2 supports essentiels

  • Le support matériel, La salle de jeu, petit cocon sensoriel, filtrant les bruits et la lumière, équipée de jeux moteurs pour grimper ou sauter. L’enfant en moindre surcharge sensorielle pourra communiquer et s’apaiser. 
  • 2°Le support humain : La présence continue d’une personne avec lui dès qu’il est éveillé ; elle est aussi nécessaire qu’à un petit réclamant d’être pris dans les bras de sa maman pour échanger des sourires et jouer. 

L’échange à deux, allié à l’affection maternante est central pour l’éveil du petit.

Ces enfants, vu leur âge, sont éveillés plus de dix heures par jour à la différence du tout petit ; cela impose de relayer les parents qui ne peuvent être disponibles du lever au coucher ; d’où l’idée, sauf à rémunérer des professionnels, de l’appel à des joueurs bénévoles nombreux, qui se relaient toutes les heures et demie. C’est possible car   jouer ne s’apprend pas et est à la portée de quiconque aime l’enfant.       

 L’enfant autiste, contrairement aux idées reçues, n’est pas troublé par le nombre d’intervenants s’ils sont réguliers. Grâce à sa mémoire infinie, chacun est mémorisé instantanément ; il veut les retrouver à la même heure et angoisse de perdre un seul de ses 30 premiers amis, amis qui l’ouvrent à l’autre avec des visages et des talents tous différents.  

Cette thérapie d’éveil par le jeu vise à les conduire par étapes à l’école, comme un enfant qui grandit et est prêt cérébralement et affectivement, à 3 ans à entrer à l’école. Le planning en 3 phases suit leur développement sachant que la socialisation et les premiers apprentissages ne sont guère possibles pour tout enfant avant 18 mois. 

L’exclusivité de la salle de jeu en phase1 n’est ainsi que provisoire sachant que l’enfant a deux promenades par jour et que les parents gardent souvent l’orthophonie et psychomotricité si elles ont la même approche développementale. Ces professionnelles sont invitées aux réunions mensuelles de l’équipe L’objectif est de réussir leur inclusion scolaire, dès qu’ils sont capables d’apprendre par eux-mêmes et de se faire des amis. Ils le peuvent s’ils ont cérébralement les capacités des enfants de 3 ans de raisonner et contrôler leur corps pour apprendre, écrire et se concentrer. 

Financièrement, la méthode est à la charge des parents mais accessible à tous les milieux socioprofessionnels comme une étude le montre : 1/3 des parents 3i habitent dans des logements sociaux. La psychologue souvent est rémunérée grâce à l’allocation MDPH, le seul coût de la méthode une fois la salle de jeu aménagée est la salle qui coûte environ 30€ par mois.                                                                                AEVE aide les parents provisoirement en difficulté grâce à des donateurs.                                                                                                                         

Il y a dix ans il était compréhensible que la HAS ne recommande pas cette méthode qu’elle avait qualifiée d’innovante, faute de preuves de son efficacité mais aujourd’hui les données ont changé

il ne suffit pas d’avoir de la bonne volonté et de la bienveillance pour s’occuper d’enfants autistes et ce qui convient à un enfant ne peut pas être généralisé sans arguments sérieux, scientifiques et éthiques.
 D’où l’entrée dans la professionnalisation de la méthode pour l’amener au niveau d’un dispositif médical avec un service attendu. 


La méthode des 3i repose sur : 

  • – la réalisation d’études cliniques dont certaines sont publiées ou à publier dans des revues à « impact factor » malgré les très faibles moyens financiers et humains d’AEVE (bénévoles uniquement) et le handicap de la non recommandation de 2012 ;
  • –  la preuve que la méthode est reproductible avec des résultats dans des contextes différents du domicile familial, qu’il s’agisse de salles de jeu dans des centres (Courbevoie) ou de la Pologne ;
  • une connaissance clinique approfondie et fine de la symptomatologie autistique, des symptômes sensoriels, comportementaux, cognitifs et surtout développementaux ;
  • – un encadrement clinique et médical omniprésent, que ce soit dans l’inclusion des enfants avec un diagnostic DSM5 et des tests standardisés ADI-R , VINELAND et CARS, dans la sélection des intervenants, le soutien aux familles et le suivi très régulier des enfants par un pédopsychiatre ;
  • – l’enregistrement filmé de toutes les séances de jeu, permettant une surveillance, un retour d’expérience, une évaluation par des professionnels et une adaptation du programme propre à chaque enfant ;
  • – des fondements théoriques étayés par des hypothèses neuroscientifiques et développementales mises en avant par des experts de renommée internationale, qu’il s’agisse du rôle du jeu, de l’imitation ou de la plasticité cérébrale ; 
  • – un état d’esprit tourné vers la recherche et l’évaluation avec des outils reconnus ;
  • – une participation citoyenne avec des bénévoles nombreux, sélectionnés, informés et encadrés. Cet engagement citoyen favorise grandement la cause des autistes auprès du public et leur inclusion, particulièrement sociale pendant la période de déscolarisation provisoire et au-delà.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments nouveaux, nous espérons que la HAS qui a entamé un processus de réévaluation modifiera son jugement.

Votre livre renferme un nombre impressionnant de données : explication minutieuse et détaillée de la méthode des 3i, grilles de développement, comptes-rendus, données chiffrées de résultats de suivis… Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire ce livre ? On se doute que cela représente un travail colossal !

Ce livre est le fruit de plus de 15 ans d’expérience menée avec les équipes d’AEVE, encadrée par un Conseil scientifique. C’est une méthode simple dans son fonctionnement et organisation, à la portée de tous si on admet que l’enfant autiste a bloqué son développement cérébral à la naissance et fonctionne avec son cerveau ‘archaïque » de bébé alors que son corps grandit bien physiquement. 

Il rassemble l’ensemble des outils et observations développés dans une démarche de professionnalisation, avec le souci de s’appuyer sur des tests reconnus, de développer des outils, de mener des études scientifiques, de mesurer les résultats sans oublier l’importance de l’impact sur la qualité de vie des enfants et des familles..

Pour finir, avez-vous un message à faire passer en tant que fondatrice et directrice de l’association AEVE ?

Les familles affrontées à l’autisme ou aux troubles du développement de leurs enfants sont démunies face à l’absence de solutions médicales efficaces. Le développement des IRM va, nous l’espérons faire progresser les scientifiques dans la connaissance du fonctionnement du cerveau de l’enfant autiste. La méthode des 3I apporte une solution alternative aux offres de soins, nous souhaitons que la HAS en révisant sa position, offre aux familles une chance complémentaire correspondant à leurs besoins.

Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Après la lecture de votre livre, on ne voit plus l’autisme de la même manière. Votre méthode mérite d’être connue, pour le bien-être de tous ces enfants atteints de troubles du spectre autistique. Rappelons qu’on peut trouver votre livre aux éditions L’Harmattan et qu’il s’adresse à toutes les personnes concernées de près ou de loin par ce handicap.

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