Comment vivre un deuil blanc ?

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Comment vivre un deuil blanc ?
Source : shutterstock.com

Le concept de « deuil » recouvre plusieurs réalités différentes. On peut « porter le deuil » (comme les veuves qui s’habillent en noir pour marquer la perte de leur mari), tout un pays peut « être en deuil » (c’est-à-dire avoir du chagrin, quand un illustre citoyen est décédé par exemple), on peut « avoir un deuil » dans sa famille (le deuil est ici synonyme de décès, de perte d’un parent). Quand on doit « faire son deuil », on entre dans un processus psychique douloureux, souvent laborieux et parfois très long, à la suite de la perte d’un être cher. Toutes ces occurrences du « deuil » impliquent donc qu’une personne est décédée. Et pourtant : le « deuil blanc » désigne ce processus d’acceptation de la disparition d’une personne… qui n’est pas encore décédée. Vivre un deuil blanc, que nous allons définir, n’est pas forcément plus facile que de surmonter la mort d’une personne. Cette épreuve encore méconnue mérite que l’on s’y attarde. 

Qu’est-ce qu’un deuil blanc ?

Faire face à un deuil blanc, c’est devoir faire le deuil d’une personne qui est encore en vie, mais dont la personnalité s’est tellement transformée qu’elle est devenue très différente de la personne que l’on connaissait. 

Le deuil blanc est un concept qui a émergé avec la maladie d’Alzheimer : cette maladie neurodégénérative, qui détruit progressivement des neurones dans le cerveau (rappelons que les neurones ne se régénèrent pas), se caractérise par des pertes de mémoire et par des troubles cognitifs progressifs, et irrémédiables. Avec le temps et la progression de la maladie, les troubles s’aggravent et on assiste notamment à des pertes de repères dans le temps comme dans l’espace (les personnes ne savent plus où est la boulangerie où ils vont depuis des années par exemple), à une incapacité à faire les activités de la vie courante et des désorientations ce qui conduit à une perte d’autonomie et une impossibilité à vivre seul, à une incapacité à reconnaître ses proches, à une perte des capacités à écrire et à lire, etc. Une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est donc encore présente physiquement, elle est en vie, mais elle perd progressivement ses capacités cognitives. Les proches aidants ont donc face à eux une personne qui ne correspond plus vraiment à celle qu’ils ont connue, présente physiquement mais comme « absente » mentalement. Les proches font face au déclin d’une personne qu’elles aiment et qu’elles ont parfois bien du mal à reconnaître. 

Vivre un deuil blanc, c’est donc devoir vivre avec le fait qu’une personne que l’on aime perde progressivement ses capacités cognitives sous ses yeux et sans que l’on puisse y faire quoi que ce soit ; c’est aussi accepter l’idée qu’on ne retrouvera plus la personne que l’on connaissait avant, que sa personnalité d’avant relève du passé. C’est encore supporter que l’on ne puisse plus avoir les discussions profondes d’avant, que notre proche peut perdre la mémoire au point de ne plus nous reconnaître, etc. 

Qu'est-ce qu'un deuil blanc ?
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Comment surmonter un deuil blanc ?

Face à un décès, on parle parfois des 7 étapes du deuil. Pour le deuil blanc, c’est un peu différent. L’association France Alzheimer parle d’une typologie « deuil intuitif / deuil instrumental » : dans le deuil intuitif on passe par des émotions diverses, que l’on peut retrouver dans tout deuil (tristesse, colère, culpabilité, désespoir, mais aussi solitude, pleurs ou perte d’énergie). Dans le deuil instrumental, on a plutôt tendance à mettre ses émotions en sourdine et à être dans l’analyse et dans l’action, notamment en s’occupant beaucoup (voire trop), mais aussi à être dans l’anxiété. Évidemment, une même personne n’est pas forcément totalement dans l’une ou l’autre des formes de deuil. Dans tous les cas, le deuil blanc est toujours une épreuve de séparation avec une personne que l’on connaissait et qui ne reviendra plus telle qu’elle était. 

Pour surmonter un deuil blanc, il n’y a pas de recette universelle ; voici quelques conseils et repères qui peuvent vous aider, mais il est important de vous faire accompagner dès que vous en ressentez le besoin, si vous vous sentez profondément déprimé mais aussi si vous voyez que vous développez des sentiments haineux. En effet, il est fréquent d’en vouloir à ce parent qui n’est plus lui-même, d’avoir envie de le bousculer parce qu’il n’est plus très actif, de lui en vouloir de n’être plus capable de retrouver le nom de ses petits-enfants, etc. : ces sentiments négatifs et souvent contradictoires sont particulièrement difficiles à supporter. 

Sachez qu’une première étape est souvent de reconnaître et d’accepter les émotions que l’on ressent et les sentiments par lesquels on passe (et notamment la colère, la honte, le rejet, la culpabilité) : il faut accepter que cela relève d’un deuil, qu’il n’y a pas de honte à avoir, mais qu’il faut être accompagné. 

Comment surmonter un deuil blanc ?
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Sachez que les psychologues qui travaillent avec les proches aidants (celles et ceux qui s’occupent d’une personne dépendante) les invitent souvent à accepter ce deuil de la personne qu’ils ont connue – accepter de perdre cette personne – mais également de la retrouver telle qu’elle est devenue. 

Pour mieux vivre son deuil blanc, il faut donc bien souvent en parler. Il est important de s’entourer, de ne pas porter seul le poids de cette épreuve : on pense à l’entourage familial, aux amis, mais aussi aux groupes de parole qui peuvent grandement aider à déculpabiliser, à comprendre ses émotions et à trouver la force de continuer d’avancer malgré la perte progressive d’une personne que l’on aime et qui n’est plus la même. Pensez à vous rapprocher d’associations comme France Alzheimer & maladies apparentées, qui offriront un lieu de parole et d’échange avec des gens qui traversent la même chose que vous, mais aussi la parole de professionnels de la santé. En effet, il peut être important, pour certains et certaines, de comprendre finement la maladie qui touche son parent. 

Sachez aussi que si vous vous sentez seul ou incompris, que vous n’appréciez pas les groupes de parole, vous pouvez vous tourner vers un psychologue ou des structures d’écoute plus individuelle. Prendre en charge son deuil blanc avec des professionnels peut permettre de mieux se préparer à la mort de la personne malade et de mieux vivre le deuil une fois qu’elle est défunte. 

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